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Nawell Madani – Comédienne

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Nawell Madani était danseuse quand elle a découvert le stand-up, depuis ce jour-là, elle n’a pas quitté la scène. En seulement trois ans, cette belge d’origine algérienne est passée par le Jamel Comedy Club avant de jouer son spectacle en tournée européenne et à l’Olympia à guichets fermés. Drôle évidemment, mais surtout travailleuse, exigeante et obstinée, on se dit que si Beyonce avait rencontré Jamel, elle s’appellerait Nawell.

Il paraît que tu étais super bagarreuse, petite…

J’ai grandi à Bruxelles, capitale du crime ! J’étais bonne élève mais un peu bagarreuse, c’est vrai. J’avais deux grandes sœurs qui me faisaient la misère – surtout que j’étais une grosse balance – et comme je ne pouvais pas prendre le dessus à la maison, je me défoulais à l’école. Elles ont vraiment forgé mon caractère. Et moi j’ai forgé le caractère de mon petit frère… Dans une grande famille, il faut trouver sa place, j’essayais de trouver la mienne à ma façon.

A l’âge de 2 ans et demi, tu as été victime d’un grave accident domestique, qu’est-ce qui s’est passé ?

Pendant une fête à la maison, je suis montée sur une chaise pour danser et je suis tombée… Dans ma chute, je me suis agrippée à une friteuse et je me suis brûlée au troisième degré à la tête, aux bras et sur le haut du buste. Au fil des années, j’ai fait de la chirurgie réparatrice mais jusqu’à 15 ans, ça a été dur. Je n’avais plus de cheveux devant, j’avais la coupe de PPDA… Déjà, quand on est petit, on se fait vanner donc imagine quand tu as un handicap. Mais ça m’a rendue plus forte et j’ai appris à me défendre. Quand je rentrais de l’école en pleurant, ma mère me disait : « Écoute, tout le monde a un défaut, essaie d’y répondre à ta manière, c’est comme ça que tu vas pouvoir les désarmer ». Sans qu’elle le sache, elle m’avait initiée à la vanne.

Quand je rentrais de l’école en pleurant, ma mère me disait : « Écoute, tout le monde a un défaut, essaie d’y répondre à ta manière, c’est comme ça que tu vas pouvoir les désarmer ».

Pourtant, avant d’être humoriste, tu as été danseuse. Comment t’est venue cette passion ?

Ma sœur était très bonne danseuse, elle se donnait à fond devant les clips de Bobby Brown ou Janet Jackson et je l’admirais. Alors souvent, on poussait la table basse et on reproduisait des chorégraphies. Comme on était trois sœurs, on formait déjà un girls band ! On voulait conquérir le monde avec la danse. Et puis elles ont arrêté et moi j’ai continué. J’ai pris des cours à la MJC, et avec d’autres passionnés on a formé des crew de danse hip-hop. Je dansais dans la cour de récréation pour me faire des amis. Parce que pour combler mon handicap, il fallait bien que je brille autrement. Et ça m’a permis de trouver ma place.

Après avoir passé ton bac, tu as pu te consacrer à la danse à 100% ?

Non, je suis allée à la fac étudier le marketing pendant 3 ans. Il fallait que je rassure mes parents et je me suis dit que le marketing pourrait m’aider à mieux me vendre en tant que danseuse. Ça m’a aidée à comprendre plein de choses et ça m’a rapidement fait prendre conscience que j’étais un produit. C’est important en tant qu’artiste de savoir trouver sa cible, de se positionner et de se développer.

Nawell Madani © Laid Liazid

Photo © Laid Liazid

Qu’est-ce qui s’est passé après ton diplôme ?

Il a fallu que je gagne ma vie rapidement donc j’ai travaillé à l’aéroport de Roissy où j’étais hôtesse au sol. Puis j’ai vendu des parfums et je suis passée de jobs en jobs. En parallèle, j’ai intégré l’Académie Internationale de la Danse qui recrutait des jeunes danseurs hip-hop pour pouvoir danser dans les comédies musicales de l’époque. J’essayais de me battre pour trouver ma place mais je n’avais pas le niveau et je ne pouvais pas me consacrer entièrement à la danse, il fallait que je remplisse mon frigo et je ne voulais surtout pas revenir en Belgique, ça aurait été une défaite. Surtout que mes parents n’étaient pas trop d’accord sur ma démarche. D’ailleurs, j’évitais de leur raconter tout ce qui m’arrivait…

J’essayais de me battre pour trouver ma place mais je n’avais pas le niveau et je ne pouvais pas me consacrer entièrement à la danse, il fallait que je remplisse mon frigo…

Comme quoi ?

Quand tu arrives à Paris, c’est pas facile. Parfois tu veux aller plus vite que la musique donc tu fais confiance trop vite, d’autant plus qu’en Belgique, on est plus ouverts… ou plus naïfs. Je me suis fait arnaquer pas mal de fois. Par exemple, j’ai partagé mon appartement avec une fille qui avait repéré où je cachais mes économies et un jour je me suis levée, et toutes mes économies avaient disparu. Ça a été super dur. Après ça, je me suis vite organisée pour tout remettre en ordre, ouvrir un compte bancaire et faire les choses bien.

Comment as-tu évolué en tant que danseuse, pendant ces années ?

Je dansais dans des clips de hip-hop et comme je commençais à avoir une petite notoriété, j’ai monté une agence de modèles et de danseuses pour placer des filles dans des clips, puis j’ai produit des pom-pom girls, de la vidéo, j’ai fait plein de trucs… Ça marchait bien, mais ce n’était ni ce que j’avais imaginé, ni ce que je voulais.

A 25 ans, tu es partie pour trois mois à Los Angeles. Qu’est-ce que tu es allée chercher là-bas ?

Je voulais me former en tant que chorégraphe. J’ai suivi des cours dans les plus grandes écoles de LA et j’ai eu la gifle de ma vie. Quand j’ai vu tout ce qui s’y passait, j’ai maudit mes parents de m’avoir fait naître dans le mauvais pays ! J’avais l’impression d’avoir vécu toute ma vie aux Etats-Unis ! Tout me plaisait, c’était ouvert, tout le monde avait sa chance, rebeu, noir ou blanc… Mais ce que j’ai surtout appris, c’est que là-bas les danseurs étaient polyvalents, ils chantaient, jouaient la comédie… Une américaine m’avait dit : « Le business est tellement dur qu’on doit savoir faire plusieurs choses ». Donc quand je suis rentrée à Paris, je me suis dit que j’allais devenir comédienne et je me suis inscrite à un cours d’acting.

J’ai maudit mes parents de m’avoir fait naître dans le mauvais pays !

Est-ce qu’en vrai ton premier cours est aussi drôle que tu le racontes dans ton spectacle ?

Vraiment, quand j’ai poussé la porte de chez Damien Acoca, mon premier coach, je suis arrivée en danseuse : talons de 12 cm, leggings, cheveux bouclés, rouge à lèvres fluorescent… Rien à voir avec le style des autres théâtreux. J’étais trop exubérante. Il m’a dit « Écoute, demain tu vas venir sans tout ça… ». Je lui ai répondu : « Quoi ? Moi sans maquillage ? ». Et le lendemain, je suis venue habillée « normalement » et on s’est mis à travailler. J’ai commencé à être décomplexée et donc à faire rire toute la classe alors que moi je voulais être dans le dramatique. Je voulais jouer Philadelphia ! Et mon coach m’a dit : « Tu te trompes de vocation. Toi, il faut que tu montes sur scène ».

Tu avais conscience de ton « capital humour » ?

Non, c’est les gens qui me le disaient. C’est vrai que j’étais non-stop en représentation mais je ne me voyais pas sur scène à faire rire les gens parce que je voulais qu’on me trouve belle. J’étais une nana coquette qui ne voulait pas faire de grimaces ou perdre la face. Mais ces cours ont été comme une psychanalyse. On va vraiment puiser dans des émotions, on s’exprime beaucoup.

Photo © Jay R

Comment on réussit à faire sa place en tant que comédienne ?

J’ai pris des cours pendant 4 ans. Heureusement que je gagnais ma vie avec la danse car tout coûte très cher avant de connaître le succès ! Les cours sont chers, tu dois faire faire des photos et des vidéos régulièrement pour trouver un agent qui ne va pas les regarder. Donc tu n’as pas d’agent, donc pas de scénario, donc pas d’images, donc pas de film. C’est le serpent qui se mord la queue. Alors tu fantasmes sur des rencontres en te disant qu’en allant à telle ou telle soirée, tu vas peut-être rencontrer un agent, un réalisateur… Et comme ce jeu n’est pas mon point fort, je me suis dit que j’allais monter sur scène. Ce serait ma vitrine, ma carte de visite.

Comment as-tu découvert le stand-up et joué tes premières scènes ?

Un soir, je suis allée soutenir un camarade de théâtre et j’ai découvert qu’il faisait du stand-up. C’était une scène ouverte avec plusieurs comiques. Je me suis dit : « Mais c’est quoi, ça ? ». Quand il est sorti de scène, je lui ai posé 2000 questions : Comment tu as fait pour arriver ici ? Comment tu écris tes sketchs ? Tu écris quoi ? Où as-tu répété ? Ce soir-là, j’ai découvert un monde parallèle : le monde du stand up ! C’était une évidence, quand j’ai vu ça, je me suis dit : « C’est pour moi ! » Avant, quand je voyais quelqu’un danser, je voulais le pousser et prendre sa place. Là c’était pareil, je voulais leur arracher le micro des mains. Je me suis inscrite pour jouer la semaine suivante.

Ce soir-là, j’ai découvert un monde parallèle : le monde du stand up ! C’était une évidence, quand j’ai vu ça, je me suis dit : « C’est pour moi ! »

J’avais raconté une série d’histoires à une copine et j’avais décidé de jouer celle qui la faisait le plus rire. Quand je suis arrivée à Paris ce soir-là, j’étais pas bien. J’ai vomi avant de monter sur scène, je commençais à oublier mes mots…l’angoisse ! Et quand je suis montée, ça a été un carton ! Les gens étaient morts de rire.

Et depuis j’ai joué non-stop tous les jours pendant 3 ans. J’ai commencé à écrire de plus en plus, à écouter les retours des gens, j’ai acheté tous les DVD de stand-up, je suis allée voir toutes les scènes ouvertes… Je suis rentrée dans le métier comme un bulldozer ! Je me suis dit : « Maintenant que j’ai trouvé mon truc, je ne vais pas le lâcher. »

Photo © Laid Liazid

Trois mois plus tard, tu intégrais la troupe du Jamel Comedy Club. C’est allé super vite…

Ce qui s’est passé, c’est qu’un jour, je suis allé chercher un ami à l’aéroport et un monsieur m’a demandé si je pouvais le déposer sur Paris. Dans la voiture, je raconte ma première scène comme si j’avais fait l’Olympia, et le monsieur derrière m’écoute parler et me pose quelques questions. Je ne savais pas du tout à qui j’avais affaire. Trois semaines plus tard, il est venu me voir jouer et m’a proposé de faire des essais au Comedy Club. J’ai compris qu’il s’agissait de Papy, celui qui a initié Jamel à l’improvisation. J’ai passé les essais et j’ai été prise. Cinq jours plus tard, je montais donc officiellement sur scène en tant que membre de la troupe du Jamel Comedy Club, et là : bide. Je re-joue le lendemain : bide. C’est là que j’ai commencé à faire la différence entre le public des scènes gratuites et celui des théâtres payants. Ça a commencé à se corser. J’avais quelque chose mais plus ça allait et plus je perdais en confiance. Je me disais que j’étais nulle, je voulais arrêter ! Alors que quand j’allais jouer en face, au Pranzo, je déchirais.

J’ai passé les essais et j’ai été prise. Cinq jours plus tard, je montais donc officiellement sur scène en tant que membre de la troupe du Jamel Comedy Club, et là : bide.

Puis le sketch du garçon manqué a cartonné. Trois millions de vues sur Youtube, ça change la donne non ?

Oui, ça a changé la donne… Parce qu’à partir de ce moment-là, j’ai commencé à vraiment avoir du succès donc à attirer les jalousies. C’est là que j’ai décidé d’écrire mon spectacle et de le roder dans mon coin. J’ai quitté le Jamel Comedy Club, j’ai loué une boîte de nuit, Le Miou Miou, que j’ai transformé en club de stand-up en louant des chaises de mariages, une scène et un micro. De 19h à 23h, c’était une salle de stand-up, et à minuit c’était un dancefloor. Ça m’a permis de jouer à mon aise et à mon rythme. Et quelques semaines plus tard, j’ai organisé un showcase avec tous les gens du métier en disant : « Si quelqu’un veut me produire, je suis prête ». Et j’ai signé avec le label Def Jam Comedy.

A peine la billetterie ouverte, le spectacle était déjà complet pendant 3 mois, comment tu expliques ça ?

Comme j’avais disparu du circuit, je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de retrouver mon public qui, cette fois, devrait payer pour venir me voir. Et un jour, une styliste me dit : « Tu sais qu’à partir de demain Instagram sera aussi vidéo  ? ». C’était l’occasion de faire rire en quelques secondes. J’ai fait un premier « InstaWell », puis un autre, j’ai commencé à appeler des potes pour jouer avec moi et ça a cartonné ! C’est ce qui m’a permis de remplir le théâtre.

RunWell - Paris Juin 2015

RunWell – Paris Juin 2015

En un an, tu es passée d’une salle de 150 places au Palais des Glaces (500 places) puis au Trianon. Tu as fait une tournée européenne et trois Olympias complets. Comment as-tu vécu ce tourbillon ?

Comme je suis passée très vite de « jouer au chapeau » à du payant, j’ai dû beaucoup travailler pour améliorer mon spectacle au fur et à mesure. Comme je suis perfectionniste, je travaillais tout le temps, tout le temps, et j’ai avancé. Le succès n’a pas changé grand chose à ma vie, mis à part le stress et les angoisses de production… L’important, c’est que je savais où je voulais aller.

Où ?

Jusqu’à ce que mon père vienne m’applaudir.

Je voulais que mes parents aient une pro en face d’eux et je voulais les faire venir dans une grande salle, un peu prestigieuse.

Parce que pendant tout ce temps, tes parents n’étaient jamais venus te voir jouer ?

Non, je n’étais pas prête à jouer devant eux et il y avait des choses que je devais désamorcer. Au début j’étais super crue dans ma façon de parler, je ne me sentais pas à ma place au Comedy Club alors j’écrivais des choses qui reflétaient ce sentiment. Une fois partie, j’ai écrit à mon rythme, j’ai trouvé ma place et j’ai appris à aiguiser mon écriture, à justifier le propos. Je voulais que mes parents aient une pro en face d’eux et je voulais les faire venir dans une grande salle, un peu prestigieuse. Donc quand j’ai fait le Cirque Royal à Bruxelles, mon père est venu, et ce soir-là j’étais transportée. Après ça, ce que pensaient les autres, je m’en fichais.

On dit de toi que tu es une vraie bosseuse, j’irais même jusqu’à te comparer à Beyonce. Tu es aussi exigeante envers les autres qu’envers toi-même ?

Oui, c’est parfois un problème. Parce que j’ai envie qu’on cartonne. Si quelqu’un monte dans mon bateau, il faut ramer avec moi. Je ne veux que des vaillants autour de moi. Et après, on bénéficie tous du bonus. Il ne faut rien négliger, aucun public, aucun soir. Et surtout, je tiens à ce que quelqu’un qui a payé sa place pour venir me voir soit content. Peut-être que je ne le ferai pas rire mais au moins, il ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir essayé.

Quel est ton quotidien ?

Tous les jours, je me lève et je travaille, comme tout le monde ! J’ai plein de choses à gérer mais on combine. Quand je pars en tournée, j’essaie de prendre les gens que j’aime avec moi si je peux, et on fait les choses. Je vis au jour le jour et je travaille tellement que je n’ai même pas le temps de me poser la question de demain… Je sais à quelle heure je commence, mais jamais à quelle heure je termine !

Si quelqu’un monte dans mon bateau, il faut ramer avec moi. Je ne veux que des vaillants autour de moi.

En vrai, comment on peut avoir les c*** de monter sur scène seule pendant deux heures ?

Je ne sais pas… Quand je vois les vidéos, j’ai l’impression que ce n’est pas moi. C’est un exercice de fou ! J’ai eu plein de galères, mais tu es tellement portée par le public, c’est magique. Personne ne peut comprendre ce qu’on vit quand on monte sur scène, c’est un shot d’adrénaline inexplicable. C’est dingue tous ces visages qui rient au même moment… Tu te sens invincible. Une fois que tu es piqué, c’est une drogue.

www.nawellmadani.fr

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Interview : Marie Ouvrard

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